Introduction
Cet article a pour objectif de clarifier le résultat IFRS 17 pour les modèles BBA et VFA. Il s’adresse principalement aux concepteurs des états financiers, qui possèdent la granularité nécessaire pour mener de telles analyses. L’étude ne prend pas en compte le « bow wave » du VFA, qui altère la lisibilité des comptes et introduit une dimension fortement subjective dans le résultat. De plus, l’analyse exclut le modèle PAA, lequel, pour les experts d’IFRS 4, n’apporte aucune modification substantielle.
Il est donc essentiel de rappeler certains concepts de base. Tout d’abord, les deux modèles comptables BBA et VFA s’appliquent à des produits spécifiques :
- Le modèle BBA (Building Block Approach) s’applique aux contrats ne comportant pas de « participation directe ». Autrement dit, il concerne les contrats pour lesquels le système de gestion d’actifs n’influence pas de manière déterminante la substance économique du produit.
- Le modèle VFA (Variable Fee Approach) s’applique aux contrats avec « participation directe ». Il concerne les contrats où l’aspect financier joue un rôle prépondérant, tels que les contrats d’assurance dits « d’épargne », ainsi que, dans une certaine mesure, ceux de « retraite ».
Pour ces deux modèles, la norme IFRS 17 impose l’estimation de trois indicateurs comptables, qui reflètent la « valeur comptable » des contrats d’assurance (ou de réassurance) :
- Le Best Estimate (BE) : A l’instar de Solvabilité 2, il représente la meilleure estimation (la valeur probable actualisée) des flux de trésorerie (entrants comme sortants) futurs.
- Le Risk Adjusment (RA) : Il constitue un coussin de sécurité autour de l’estimation du Best Estimate. Si ce dernier correspond à un quantile à 50%, le RA est défini comme une mesure plus prudente, correspondant à un niveau de réalisation dans plus de 50% des cas.
- La Contractual Service Margin (CSM) : Nouveauté introduite par IFRS 17, cette métrique représente le profit futur non encore reconnu en résultat des contrats d’assurance.
Il est également important de rappeler que ces calculs sont effectués selon l’unité de mesure « Portefeuille x Profitabilité x Cohorte ».
- En particulier, la dimension cohorte implique de diviser les contrats en générations, c’est-à-dire en groupes de contrats émis au cours d’une période maximale d’un an.
Les réflexions développées dans ce document s’appliqueront à cette unité de mesure. Le « carve-out » européen, qui supprime la notion de cohorte en VFA, ne sera pas abordé ici, car il perturbe également l’analyse des comptes.
Comprendre le résultat
Dans la suite de cet article, nous ferons une distinction entre, d’une part, la comptabilisation initiale d’un groupe (l’année au cours de laquelle un nouveau groupe est émis/comptabilisé) et, d’autre part, les comptabilisations ultérieures.
Comptabilisation initiale de la CSM.
La mécanique d’IFRS 17 impose, lors de la comptabilisation initiale d’un groupe de contrats, d’estimer la CSM comme la différence entre les flux déjà perçus (généralement les primes), le Best Estimate et le Risk Adjustment :
- Lors de la comptabilisation initiale, la CSM représente ainsi le profit attendu, diminué d’une marge de risque (le Risk Adjustment), pour le groupe de contrats.
Par exemple, pour un groupe de contrats émis au cours de l’année, supposons que les primes perçues soient de 1000. Le Best Estimate est de 800 (ce qui signifie que l’entité estime que la valeur actualisée totale des flux nets futurs est de 800), et le Risk Adjustment est de 50. La CSM initiale sera donc de 150, correspondant au profit attendu (1000 – 800 = 200), réduit de la marge de risque (200 – 50 = 150).
Amortissement de CSM
Il est également essentiel de noter que la CSM est reconnue (amortie) chaque année en résultat.
Par exemple, supposons que les estimations soient parfaites et que la CSM initiale soit de 100 pour un contrat dont la couverture s’étend sur 5 ans. Dans ce cas, il est logique que la CSM soit reconnue en résultat à raison de 20 par année d’exercice (100 / 5).
Comptabilisation par CSM ou par résultat
Dans la suite de cet article, nous parlerons de montants « comptabilisés par CSM » et d’autres « comptabilisés par résultat ». Il convient de comprendre que tout ajustement dans les estimations doit être reflété dans les états financiers de l’entité.
- L’introduction de la CSM, par IFRS 17, permet « d’amortir » certaines de ces variations au fil du temps, à travers cette métrique.
Supposons qu’une variation dans l’estimation des engagements d’un groupe de contrats (soit pendant la période, soit sur les estimations futures) entraîne une augmentation de la profitabilité attendue de 100 (par exemple, parce que les estimations initiales étaient « trop » prudentes). Si ce montant est comptabilisé par CSM, cette dernière sera augmentée de 100. Elle sera ensuite amortie en résultat (comme indiqué précédemment), et une partie de cet ajustement affectera donc le profit de l’année, le reste étant reconnu plus tard. En revanche, si l’ajustement est comptabilisé directement en résultat, le résultat de l’exercice sera immédiatement augmenté de 100.
L’analyse ne fera également pas mention des différences de comptabilisation entre le LRC (groupe de contrats pour lequel la couverture est encore active) et le LIC (groupe de contrat pour lequel des sinistres sont déjà survenus) . En effet, les explications qui suivent s’appliquent au LRC. Les variations des engagements « LIC » étant directement comptabilisées en résultat (comme l’étaient les variations de provisions sous IFRS 4).
Ecart d’expérience
Il est important de se rappeler que la norme prévoit une comptabilisation spécifique des écarts d’expérience, c’est-à-dire la différence entre les montants réels (payés ou reçus) au cours d’une période et ceux estimés dans les engagements de la clôture précédente.
- Cette comptabilisation dépend de la nature des flux.
En résumé, les flux ayant un impact sur les estimations futures (tels que certains types de primes et les composants d’investissement) sont comptabilisés en CSM, tandis que ceux ayant peu ou pas d’impact sur le futur (comme certains types de primes, les frais et les composants d’assurance) sont comptabilisés directement en résultat.
Différences entre la comptabilisation en VFA et en BBA.
La principale différence dans la comptabilisation des contrats entre les modèles VFA et BBA réside dans les éléments intégrés dans la CSM.
Lors des comptabilisation suivantes, la CSM est ajustée de certaines des variations dans les engagements (autrement dit, des raffinements dans les estimations futures du fait de nouvelles informations ou de nouveaux jugements dans les estimations). La différence entre le modèle VFA et le modèle BBA tient simplement dans les variations des engagements (BE et RA) qui sont comptabilisées par CSM :
- Le modèle BBA concerne des contrats où l’aspect financier n’est pas prépondérant à l’économie du contrat : seules les variations d’origine non financière ajustent la CSM (les variations d’origine financiers sont directement comptabilisées en résultat).
- Le modèle VFA s’adresse à des contrats dont l’aspect financier est prépondérant à l’économie du contrat. La CSM est donc ajustée de toutes les variations, financières comme non financières. Dans le même esprit, la CSM VFA est ajustée de la variation de la juste valeur des actifs sous-jacents (i.e. actifs représentatifs) sur la période.
Par exemple, supposons que la CSM à la clôture précédente soit de 100. Les engagements (BE + RA) augmentent de 20 au cours de la période en raison de changements d’hypothèses (15 sur le plan technique et 5 liés à des éléments financiers). De plus, la variation de juste valeur des actifs est de 10 (hausse). Après ajustement, la CSM serait de 85 en BBA (100 – 15) et de 90 en VFA (100 – 20 + 10). La différence de 5 (10 – 5) est donc comptabilisée directement en résultat financier pour le modèle BBA.
Il convient de noter une spécificité qui vient alourdir la lecture des comptes en BBA : dans le même esprit qu’expliqué précédemment, les variations des engagements (BE et RA) comptabilisées en CSM sont actualisées en fonction des conditions économiques (notamment la courbe de taux) appliquées lors de la comptabilisation initiale, et non celles en vigueur au moment de l’ajustement. La différence entre ces deux effets d’actualisation est donc également comptabilisée en résultat financier (ou dans l’OCI par option) pour ce modèle.
Présentation du résultat IFRS 17
Le compte de résultat sous IFRS 17 est relativement succinct. La partie technique du résultat s’explique principalement par les éléments suivants :
- L’amortissement de CSM
- Le relâchement du RA
- Certains écarts d’expérience (ceux qui ne sont pas comptabilisés en CSM).
A cela s’ajoute un résultat financier :
- La différence entre la production financière des actifs (selon IFRS 9) et les changements d’hypothèses financières (selon IFRS 17), en BBA,
- Et qui est nul par construction (modulo l’utilisation de l’option OCI), en VFA.
De fait, le résultat s’explique comme la somme :
- Du relâchement du résultat attendu du fait de l’écoulement du temps (« l’amortissement de CSM », avec les différences entre le modèle BBA & VFA présentée précédemment),
- De l’écrêtement de la marge de risque (« le relâchement de RA »), comme le risque diminue à mesure que l’horizon se rapproche),
- Et de l’effet des biais d’estimation sur certains flux de la période (« certains écarts d’expérience »).
La principale difficulté réside dans la compréhension du niveau de la CSM pour un groupe de contrats dont la comptabilisation a eu lieu avant l’exercice en cours :
- Lors de la comptabilisation initiale, la CSM correspond à la meilleure estimation du profit futur, diminuée de la marge de risque (le RA). Son amortissement représente donc une portion de ce profit, reconnue en fonction de l’appréciation de l’entité concernant la couverture d’assurance (ou le service financier en épargne) fournie à l’assuré.
- Pour les comptabilisations ultérieures :
- En modèle VFA, comme la CSM est ajustée par l’intégralité des ajustements des engagements (BE + RA), son amortissement représente également une part de ce profit attendu par l’entité.
- En modèle BBA, le niveau de la CSM n’est pas directement lié à l’estimation actuelle du profit futur de l’entité, car toutes les variations ne sont pas comptabilisées en CSM en BBA, contrairement au modèle VFA.
Conclusion
Pour mieux comprendre le niveau de la CSM lors d’une comptabilisation ultérieure, nous proposons une analyse de mouvement (réconciliation des engagements à la clôture avec ceux à l’ouverture), une méthode couramment utilisée en actuariat, et recommandée par la norme elle-même pour assurer la complétude des annexes.
- En effet, les variations des engagements étant soit comptabilisées par CSM, soit par le P&L (ou OCI), ce type d’analyse permet d’expliquer les fluctuations du niveau de la CSM au cours de l’exercice. Elle aide ainsi à comprendre la distorsion entre le montant amorti au titre d’un exercice précédent et celui constaté pour l’exercice en cours.
Il est également possible de raffiner cette analyse en approximant, lors de la comptabilisation initiale, la part de la CSM liée aux hypothèses financières de celle liée aux hypothèses techniques. Par exemple, cela peut être réalisé en recalculant les niveaux de BE, RA et CSM avec une courbe de taux nulle dans un modèle déterministe, puis en comparant ce résultat avec celui obtenu dans un modèle stochastique habituel. Cette comparaison permet d’extraire la portion financière de la CSM de celle liée aux hypothèses techniques.
En combinant ces deux approches, et sous réserve d’une certaine intégrité dans les modèles (notamment en termes de capacité à effectuer ces calculs à la bonne unité de mesure – par exemple, en résolvant les problèmes d’allocation des sous-jacents), il devient possible d’interpréter de manière claire et détaillée le compte de résultat sous IFRS 17.
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